BABACAR NIANG (SCULPTEUR)  Un ancien commando reconverti dans l'art de tailler la pierre

Logé sur la corniche ouest, non loin du square du président-poète Léopold Sédar Senghor qui sera dressé à cet endroit, le sculpteur Babacar Niang n'est plus à présenter aux automobilistes qui empruntent cette route. Ses grosses pierres bien taillées embellissent les lieux. Cet ancien commando de l'armée qui s'est reconverti dans l'art de tailler la pierre, vit bien sa passion pour cet art.   En face des résidences de Fann, sur la corniche ouest, non loin du square dédié au président-poète Léopold Sédar Senghor, l'artiste Babacar Niang vit sa passion pour la sculpture. Des portraits de personnalités célèbres comme Sékou Touré, l'ancien président de Guinée Conakry, ou le président-poète Léopold Sédar Senghor en cours de finition et à côté aussi, une femme qui a, entre ses mains, son bébé... sont, entre autres, les différentes œuvres qu'il expose sur cet espace qui lui sert aussi d'atelier. Cet ancien commando qui a été enrôlé dans le bataillon d'interposition présent au Tchad en 1981, témoigne avoir été toujours attiré par la profondeur de l'art, même pendant ses cinq années passées dans l'armée. «Même dans l'armée, je pratiquais l'art comme la peinture, le modelage et la sculpture et cela avait pris des ampleurs telles que je ne pouvais qu'abandonner et me consacrer définitivement à ma passion. C'était comme une forme de tentation au début en 1974 avec le modelage et en 1976 avec la sculpture. L'art, c'est quelque chose que je considère comme une grande surface qui attire les gens concernés vers cet espace et les projette dans leur profondeur». Se protégeant le nez et la bouche à l'aide d'un mouchoir, en vrai lébou de Bargny, ce génie de la pierre taillée s'active à l'aide de son marteau et d'une petite pique, à faire ressortir le sourire du président Senghor sur sa sculpture. Et une photo du premier président du Sénégal lui sert de repère. Brandissant un journal dont il s'inspire pour faire ses portraits, ce féru de la pierre souligne qu'il a l'intention de faire le portrait de tous les dirigeants africains qui ont contribué à faire émerger dans leur pays la démocratie. Concernant le Sénégal, notre interlocuteur qui totalise vingt-huit hivernages sur les lieux, précise : «Je devais même faire les trois présidents Senghor, Diouf et Wade, car je considère, dans ma philosophie artistique, le Sénégal comme trois trains : le train poétique est déjà passé, celui administratif aussi et aujourd'hui nous sommes dans le train libéral. Je pense qu'il faut rapprocher toutes ces trois données pour qu'on puisse avoir une référence pour le futur». Sous le chaud soleil de ce mois de ramadan, Babacar Niang qui est sur les lieux depuis 8 h, aidé par deux de ses trois stagiaires qui sont là parce qu'ils aiment la sculpture de la pierre, explique qu'au commencement, «on ne voit qu'un simple bloc de pierre et dans chaque bloc, est bloqué quelque chose qu'il faut débloquer en taillant la pierre». Parce que, estime l'artiste, «une œuvre ne peut être exécutée dans les gestes que si elle est finie dans la tête. Tout se fait dans la tête et le reste n'est que geste». Toutefois, Babacar Niang est inspiré par tout ce qui symbolise la paix, la famille, les retrouvailles. Un travail très difficile, selon l'artiste, car les moyens font défaut. Babacar Niang estime que les autorités ne soutiennent pas les artistes. Son souhait pour partager son savoir faire et faire bénéficier aux jeunes générations de son expérience, est d'ouvrir une école. En attendant, ses œuvres décorent des endroits comme l'entrée de la régie des chemin de fer de Thiès, certaines écoles et le Centre culturel français de Dakar. Pour l'artiste, il faut que la mairie de Dakar s'investisse pour décorer les lieux publics de ses pierres. A ses heures perdues, Babacar Niang est aussi poète et sa principale source d'inspiration est le président Senghor.     Fatou K. SENE   (Source Walf fadjri 29 octobre 2004)

L'art africain a tout son avenir dans le numériqueUn faux débat fait l'objet de spéculations dans le monde des arts plastiques au Sénégal, depuis quelques temps, voire depuis quelques années. Ce faux débat fondé sur une fausse problématique, celle de «la place du numérique dans le Dak'art», s'est poursuivi jusqu'au séminaire d'évaluation de la biennale Dak'art 2004. Il est alors difficile, à la limite impardonnable de garder le silence en tant qu'artiste plasticien-vidéaste, conscient de l'avenir des arts plastiques face aux mutations engendrées par les technologies numériques. L'envie me vient à l'instant de demander à ces pseudo-intellectuels (artistes, critiques d'art, journalistes, commissaires d'exposition, experts en arts plastiques, ou spécialistes en je ne sais quoi encore, confondus) d'arrêter tout simplement de parler de choses qu'ils ne maîtrisent pas, de poser des questions qui ne sont nullement pertinentes et qui les dépassent parce qu'ils n'ont ni d'arguments valables, ni de vision claire pour déterminer une quelconque place du numérique dans la création artistique contemporaine africaine. Je trouve regrettable que les acteurs culturels africains en général et sénégalais en particulier ne veuillent pas changer leurs mentalités archaïques d'éternels complexés, et qu'ils se focalisent toujours sur des détails que l'on ne peut plus se permettre de poser, c'est-à dire des questions que les autres (les occidentaux en particulier) ont réglées depuis des décennies, voire des siècles, et qu'ils reviennent re-poser chez nous en Afrique pour cloisonner notre réflexion, inhiber notre vision de l'avenir afin de mieux délimiter notre imaginaire. Aujourd'hui, le concept d'art même, contemporain ou pas, est problématique en Afrique comme il l'est partout ailleurs. L'enjeu majeur dans la création artistique n'est plus l'apanage d'un quelconque médium. Autrement dit, il ne s'agit plus, ni ne suffit plus de parler séparément d'arts plastiques (peinture, sculpture, design, etc.), de poésie, de théâtre, de cinéma ou de vidéo, mais plutôt d'Image au sens global du terme. Il est évident que ceux qui brandissent, à tort et à travers, le terme «identité culturelle» ne sont pas capables de donner à ce concept une signification valable et légitime, c'est-à-dire un sens positif et constructeur de valeurs progressistes, permettant à nos sociétés d'évoluer et d'avancer dans la voie d'une modernité africaine. A ceux là, je dirais que l'identité à tout prix n'existe pas, n'est pas viable, car comme le dit souvent l'artiste plasticien critique d'art sénégalais Sidy Seck, «l'identité n'est pas figée, l'identité est dynamique». Par ailleurs, il est temps que les Africains (les artistes en premier) soient conscients du fait qu'ils ont largement le choix d'utiliser comme outil ou support de création, les technologies numériques comme ils veulent et d'y mettre les contenus qui leur conviennent, pour produire leurs propres images ; des images qui parlent de l'Afrique, de ses réalités, de ses rêves, mais également de ses differents rapports avec le reste du monde.
Pour revenir à cette «place suspecte» du numérique dans le Dak'art, nous savons que les médiums artistiques traditionnels que sont la peinture, la sculpture et la photographie ont montré depuis très longtemps leurs limites dans le traitement de l'espace et du temps, mais aussi par rapport à leur capacité à toucher le nouveau public que la société de l'information est en train de formater. Aujourd'hui, l'avenir est dans l'interactivité. Il faut que les artistes africains, dans la continuité de leurs travaux, s'investissent dans des systèmes multimédia et hypermédia, qu'ils se forment et apprennent des techniques, logiciels et méthodes permettant l'intégration dans les créations de données de diverses origines (textes, images et sons), car l'ère de l'hypertexte a sonné.
L'art africain doit adopter sur toute sa chaîne (création, monstration, promotion, commercialisation) des méthodes d'organisation de l'information, qui procèdent non plus de façon linéaire, mais par association d'idées, en structurant un réseau vivant de liens entre les données. De nos jours, toute forme d'art qui occulterait le numérique, réduirait de façon considérable ses possibilités relatives à la créativivité mais aussi à la diffusion, éventuellement à la commercialisation des œuvres qu'elle engendre. Ce serait donc une grave erreur de penser que les artistes africains n'ont rien ou presque pas grande chose à voir avec le numérique, que le numérique ne puisse pas traduire «l'expression profonde de notre identité culturelle», ou encore de catégoriser, d'étiquetter le numérique comme étant «le regard de l'autre qui nous chosifie». C'est quand même étonnant, à la limite révoltant, de constater que tous ces gens confondent, en ce qui concerne un médium artistique donné, support et contenu ; qu'ils ne distinguent pas l'œuvre d'art du dispositif qui le conditionne en amont (de sa production) et en aval (de son exhibition). Le numérique qui est en passe de devenir une discipline artistique à part entière, gagnera sa légitimité si les artistes africains transcendent sa nature de support de création, dépassent l'immense reproductibilité technique qu'offre son dispositif pour créer une véritable «esthétique du numérique» qui bouleversera, à coup sûr, tous les schémas de la pratique artistique en donnant naissance à de nouveaux artistes, de nouveaux critiques d'art, de nouveaux commissaires d'exposition, de nouveaux experts en art plastique et surtout une nouvelle fonctionalité des espaces de monstration.


Arfang Sarr-CRAO Artiste plasticien poète vidéaste email:art_fang@yahoo.fr (Source Walf fadjri 04 Novembre 2004)

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